Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Ethique de la critique littéraire. L'"ethos" de Roland Barthes

Cécile Raulet

Résumé

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Le texte déclenché par une œuvre littéraire est un discours de second degré, mais son scripteur peut n’être pas de second ordre. Je cherche à rendre compte des gestes de la critique littéraire et à traiter de la présence du critique dans et à son texte. J’ai pour cela recours à la notion d’ethos, qui est à la fois ce dont vient le discours et ce qui naît du discours. Permettant de penser conjointement contenu et formulation, l’ethos s’avère une notion unifiante pour décrire et penser ce qui passe du corps du critique, de son affectivité et de ses valeurs, dans un texte. La singularité de l’ethos se joue alors dans l’équilibre propre à chaque critique entre ce qu’il y a chez lui (ou elle) de reprise et de création. Si Roland Barthes est au centre de ce travail, c’est comme l’exemple d’une critique littéraire « exemplaire ». La richesse intellectuelle et littéraire de son œuvre se double de l’intérêt qu’il a porté aux questions d’attitudes et d’engagement d’un auteur dans son texte. Barthes offrant des ressources pour expliquer et l’acte critique et l’acte de penser en écrivant, ses textes ont, dans mon travail, le double statut d’objets d’une étude approfondie et d’outils pour mener celle-ci. D’une part, en effet, porter attention à son ethos conduit à dégager des traits d’écriture et de pensée dont la portée épistémologique dépasse largement le cadre de son œuvre et sa posture critique particulière. D’autre part, je prendrai avec ses idées et ses représentations des libertés auxquelles lui-même invite : j’irai à leurs sources, développerai leurs implications : des textes de Barthes, je m’efforcerai de faire autant d’amorces pour décrire ce en quoi consiste la critique littéraire. Décrire un ethos, c’est aussi décrire une éthique. Les manières de se tenir à l’égard de l’œuvre, du lecteur, du langage, des problèmes que l’on soulève, de la pensée elle-même, ont des implications éthiques. Attentif à la dimension physique de l’écriture, conscient du déjà-écrit et jouant avec les pratiques scripturaires environnantes, Barthes produit un savoir singulier transmis selon des préceptes discrets révélant une véritable éthique. D’abord, parce que sa critique constitue une expérience adressée de la littérature, selon des modes d’interlocution qui ouvrent un champ commun et rendent un partage possible. Ensuite, parce que l’analyse détaillée des formes qu’il adopte montre que son écriture critique porte en elle cette éthique : ses pratiques scripturales diffusent des principes dans le moment même où elles puisent dans les ressources du langage. S’agissant de Barthes, parler d’éthique renvoie donc non seulement à une « moralité » de contenu propre à sa critique, mais encore et plus généralement à une éthique vis-à-vis du langage et de la pensée. Les formes du dire (leur reprise, leur entretien, leur détournement, leur création) s’avèrent ainsi à la fois mise en œuvre, vecteurs et, a posteriori, outils de description : parce qu’il n’y a d’éthique qu’en acte, que les gestes critiques et les modes de pensée doivent passer par l’écriture, ce sont des pratiques précises de Barthes que je commente à des échelles macro- et micro- textuelles. Mon objectif est triple. Par l’analyse des attitudes et dispositions, je cherche à penser l’activité critique : j’interroge la manière dont elle procède ; j’examine ce qu’elle produit ; je cherche à montrer comment l’écriture critique peut être à la fois force et condition de transmission de l’expérience esthétique. Mais cette « présence », il s’agit de la traiter aussi comme étant celle de Barthes, et via la figure de Barthes, en démontrant que c’est l’ensemble de ses actes critiques qui peut être dit « éthique ». Enfin, des tournures de phrases disant aussi des gestes de pensée, l’impetus intellectuel de Barthes doit permettre d’observer certaines modalités éthiques et émancipatrices d’exercice de l’esprit critique, à partir d’une production de pensée en un second temps : après et d’après la littérature.

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Jury

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  • M. Philippe Roger (Directeur de thèse), EHESS
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  • M. Claude Coste, Université de Cergy Pontoise
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  • M. Mathieu Messager, Université de Nantes
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  • M. Martin Rueff, Université de Genève
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  • Mme Tiphaine Samoyault, EHESS
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