Telliamed, Entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français sur la diminution de la mer
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Telliamed, Entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français sur la diminution de la mer

Edition établie, préfacée et annotée par Claudine Cohen

Auteur(s) Claudine Cohen
Lien(s) externe(s) Editions Jérôme Million
ISBN 13 2-84137-408-3

Le Telliamed porte en titre l’anagramme du nom de son auteur, Benoît de Maillet (1659-1738), « gentilhomme de Lorraine » qui fut consul de France en Egypte au tournant du XVIIIe siècle, à la fin du règne de Louis XIV puis sous Louis XV. Le texte met en scène un « philosophe indien » et un « missionnaire français », dialoguant au Caire en 1715. Sous les traits du « philosophe », l’auteur défend la thèse de l’origine marine de tous les êtres vivants, et propose une « théorie de la Terre », selon laquelle tous les continents étaient originellement submergés, la mer laissant, à mesure de sa diminution, apparaître les paysages, reliefs et plaines, rivières et montagnes, que nous voyons aujourd’hui. Fondé sur l’observation des tracés côtiers, des couches géologiques et des fossiles qu’elles contiennent, le « système » de Maillet s’appuie sur une physique tourbillonnaire empruntée à Descartes et à Fontenelle. Au-delà du destin de la Terre, il figure l’histoire des planètes comme une alternance de dessèchements, d’embrasements et de nouvelles immersions.
Toute vie naît de la mer, et à mesure de sa diminution, les plantes, les animaux, les hommes mêmes, en sont sortis pour s'adapter à la vie aérienne et terrestre. Les oiseaux dérivent des poissons volants et les différentes « espèces » humaines seraient nés de variétés distinctes d’ « hommes marins » pourvus de doigts palmés, d'écailles, voire d'une queue de poisson. La vie trouve son origine dans des semences répandues dans l’univers, et fécondées au sein des eaux.
Avec la « diminution de la mer » Maillet est convaincu d’avoir trouvé le principe d’un processus matériel qui s’alimente de son propre devenir. Sa théorie de la Terre et des transformations du vivant récuse les épisodes bibliques de la Création et du Déluge, et date l'origine de notre globe de plusieurs milliards d’années – dans un contexte où les dogmes chrétiens imposent une chronologie ne remontant guère à plus de six mille ans.
Les années 1660-1720, au cours desquelles Maillet élabore son système, constituent dans toute l’Europe un moment de questionnements, d’hypothèses, d’observations et de controverses sur les fossiles, la question des origines et du devenir de la Terre. Ce texte déroutant et iconoclaste d’un naturaliste amateur, qui s’attache à multiplier les « preuves » de son système » tout en ne dédaignant pas les allusions libertines, voire érotiques, traduit tout le bouillonnement intellectuel de cette époque. S’il a été fortement critiqué en son temps par les défenseurs de la religion et ridiculisé par Voltaire, il a pu être relu, plus récemment, comme celui d’un « précurseur » des idées évolutionnistes.
Le Telliamed a circulé plus de vingt ans durant, à partir de 1720, sous la forme de copies clandestines : quatorze manuscrits, tous différents, sont aujourd’hui connus. C’est dix ans après la mort de l'auteur, en 1748, que l’ouvrage imprimé put voir le jour. Encore cette édition fut-elle l’œuvre de l’Abbé Le Mascrier -- un jésuite polygraphe que Maillet avait chargé de cette  édition : l’abbé, noyant quelque peu le texte sous les commentaires, les avant-textes, les annexes et les notes, s’est appliqué à en gommer ou à en brouiller le caractère sulfureux.
La présente édition (réalisée à partir de la 3e édition, de 1755, qui connut la plus large diffusion) donne à lire cette œuvre mal connue dans toute sa richesse et sa complexité, en mettant en lumière les « strates » successives qui constituent l’histoire du livre, et en éclairant tour à tour ses naïvetés et ses géniales intuitions.

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