Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

La théorie exposée : mises en forme de la théorie dans l'art contemporain

Benoit Jodoin

Résumé

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Cette thèse en histoire de l’art interroge la présence visible ou audible de la théorie dans l’art contemporain des deux premières décennies du XXIe siècle, que cette présence se manifeste par des activités relationnelles, des livres ou des entretiens, ou par des théoriciens invités à des événements de parole tenus dans des institutions artistiques. Il s’agit de comprendre comment la théorie est mise en forme à travers différents formats – art relationnel, installation, conférences-performances – et de cerner les potentialités politiques de cette présence dans l’art. Quand elle trouve sa place dans des œuvres d’art, la théorie est mise en situation, inscrite dans un réseau de sens, incarnée et insérée dans une programmation. Elle y gagne alors de nouvelles conditions d’existence et s’expose au contexte culturel qui l’accueille. Dans l’art, la théorie est travaillée comme une pratique, un discours, une expérience. La première étude de cas porte sur le Gramsci monument (2013) de Thomas Hirschhorn, un site temporaire construit en plein cœur de HLM du South Bronx où quelques pavillons ont accueilli temporairement des activités visant à célébrer le théoricien marxiste. Cette mise en forme relationnelle situe la théorie au cœur des conditions matérielles de vie des classes dominées. Le projet permet à la fois de mettre en évidence et d’actualiser la manière dont Antonio Gramsci lui-même conçoit la théorie, c’est-à-dire une « pratique » qui, pour être efficace politiquement, doit se réaliser dans la vie culturelle. Le deuxième chapitre porte sur certaines installations de l’artiste franco-algérien Kader Attia analysées à partir de la notion de formation discursive de Michel Foucault. Dans Narrative vibrations (2017), Reason’s oxymorons (2015) et The culture of fear: an invention of evil (2013), la théorie apparaît de manière fragmentaire et hétérogène dans des livres exposés et des entretiens filmés. Fonctionnant sous le mode de l’archive, cette mise en forme installative travaille la théorie comme une formation, une esquisse d’un travail de pensée entamé dans une forme qui se poursuit par le spectateur. Politiquement, ces installations relèvent à la fois d’une mise en évidence des luttes de pouvoir au sein des représentations culturelles, mais aussi d’une occasion d’activer un processus de « théorisation faible » (Sedgwick) qui peut mener à une réparation décoloniale des manières de penser ensemble différentes cultures. La troisième étude de cas analyse à partir du pragmatisme de John Dewey trois conférences-performances présentées au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (MAC VAL) : « Magister » mis à nu d’Éric Duyckaerts (2006), N’importe quoi, pas n’importe comment de David Zerbib (2011) et Les spécialistes. Seven corridors d’Émilie Rousset (2016). Dans ce contexte institutionnel, comme conférence-performance et comme forme curatoriale, la parole théorique modélise des expériences de la pensée à partir de l’art et de la visite au musée qui tiennent un rôle politique dans la vie citoyenne. Leur programmation a toutefois moins pour effet de distribuer ces possibilités d’expériences au public que de présenter en performance le rôle que le Musée revendique comme institution publique.  La recherche montre que les mises en forme de la théorie dans l’art contemporain sont partagées entre deux politiques de l’art. D’un côté, la forme artistique mise sur sa capacité à montrer, à représenter et à modéliser des manières de théoriser ; une forme se constitue autour de la théorie et se donne à voir comme une proposition à observer. De l’autre côté, exposée à des milieux de vie, au jeu des représentations et aux politiques culturelles des institutions, la forme agit directement dans le champ culturel où se mènent des luttes concrètes et où le pouvoir se distribue.

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Jury

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  • Mme Marielle Macé (Directrice de thèse), EHESS
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  • M. Patrice Loubier (Directeur de thèse), Université du Québec à Montréal
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  • Mme Mélanie Boucher, Université du Québec en Outaouais
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  • Mme Marie Fraser, Université du Québec à Montréal
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  • Mme Anne Lafont, EHESS
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  • Mme Evelyne Toussaint, Université Toulouse Jean Jaurès
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