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Fabienne Durand-Bogaert

Centre de recherche sur les arts et le langageMembre statutaire

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Depuis 2009, Fabienne Durand-Bogaert a engagé un travail de recherche sur la question des affects et des percepts en traduction. Il s’agit d’abord de comprendre dans quelle mesure, et de quelle manière, le texte traduit peut devenir le lieu d’une rationalisation de ce qu’Antoine Berman a nommé la « pulsion du traduire » — par rationalisation, il faut entendre ici le mouvement par lequel, à un moment donné, cette pulsion perd son caractère primitif et sauvage pour se transformer en projet de traduction, et au bout du compte en texte traduit. La question du passage de la pulsion au projet, et des traces que ce passage laisse dans le texte traduit lui-même a donc constitué l’objet de la réfexion. En effet, il est intéressant de mesurer les écarts entre les discours que les traducteurs tiennent sur leur projet de traduction et la manière dont celui-ci prend forme dans le texte traduit lui-même.

Cependant, outre le fait que la rationalisation de la pulsion ne gomme pas, en fin de compte, les affects du texte traduit, le traducteur a aussi maille à partir avec autre chose — avec une autre manière de sentir, un autre bloc de sensations, qui est constitué par les percepts. A cet égard, une lecture à nouveaux frais du roman de Virginia Woolf, To the Lighthouse (1927), et des trois traductions françaises qui en sont disponibles à ce jour se révèle particulièrement féconde. Au personnage de Lily Briscoe, en effet, Virginia Woolf délègue le soin de soulever une question esthétique d’importance, qui sera aussi celle d’artistes et de penseurs aussi différents que Cézanne, Merleau-Ponty, Peter Handke ou (aujourd’hui) Reena Spaulings : comment passer de ce que l’on voit (perçoit, ressent) à ce que l’on peint (raconte, conceptualise) ? Comment traduire la vision, au sens large du terme — ce que l’on voit mais aussi ce dont ce vu est porteur — dans les termes qu’offrent ou dictent ici la peinture, là la philosophie ou la littérature ? Et comment le traducteur, à qui la même question se pose augmentée de celle des langues, transmet-il la transmission ?

La problématique retenue pour l’année universitaire — la traduction au cœur des œuvres —, a permis que soient abordées diverses expressions artistiques et littéraires qui font de la traduction, et des questions qui s’y rapportent, un instrument opératoire pour la création. L’idée de départ était qu’aucun créateur n’échappe à ce qui l’a façonné, aux influences qui l’ont guidé, aux imitations qui l’ont tenté. Beaucoup s’appliquent à occulter leurs sources dans ce domaine ; mais d’autres, à l’inverse, s’attachent à leur donner une visibilité maximale, tout en travaillant à leur transformation, et même à ce que l’on peut appeler leur traduction selon une expression qui leur est propre, et donc nouvelle. C’est le cas de Jean Le Gac, dont l’art, procédant initialement de la copie des illustrations qu’il aimait dans l’enfance, a finalement fait « passer les originaux de son côté », comme il le déclare aujourd’hui. C’est le cas aussi de Pascal Quignard, qui recompose ses lectures pour traduire en mots la scène première à jamais manquante, brassant en chemin les étymologies, convoquant plusieurs langues (étrangères, mais aussi « non maternelle ») et partageant avec le traducteur l’expérience du « mot sur le bout de la langue ». Le séminaire a donc procédé à l’analyse détaillée du processus de traduction à l’œuvre chez Le Gac et Quignard, puis entamé la lecture des nouvelles et romans de Yoko Tawada, écrivain d’origine japonaise qui a choisi d’écrire une grande partie de son œuvre en allemand. Cet aspect-là du travail s'est poursuivi au cours de l’année 2010-2011.

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