Type d'actualité et date de publicationHommage

Claude Bremond (1929-2021)

Source de l'image : Colloque Littérature du monde II - Fondation Singer-Polignac.

Claude Bremond appartient à la grande génération des théoriciens du récit dont les travaux ont rayonné dans le monde entier à partir des années 1960 depuis l’EPHE, devenue ensuite EHESS. Il  a été de l’équipe des fondateurs du Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL, UMR 8566) convaincus en 1983 par Maurice Godelier, directeur des SHS au CNRS, de se regrouper dans un laboratoire associé à l’organisme de recherche. Né en 1929, docteur en sociologie, chef de travaux à l’EPHE, il a été élu à une direction d’études de sémiologie des traditions narratives à l’EHESS en 1972.

Claude Bremond a d’abord collaboré à l’Institut de filmologie de la Sorbonne et à la Revue internationale de filmologie avec Gilbert Cohen-Séat. Il y étudie et y catégorise les tests filmiques thématiques, tests de projection dans l’esprit du test de Rorschach. En 1960, il rejoint le nouveau Centre d’Étude des Communications de Masse (CECMAS), dirigé par Georges Friedmann, émanation de la VIe section de l’École Pratique des Hautes Études. Il participe à l’aventure de la revue Communications dès ses débuts, publiant sur le cinéma, Bazin, le public français et le film japonais, l’éthique du film et la morale du censeur, le héros des films de la Nouvelle Vague (section française d’une enquête internationale menée sous l’égide de l’Association internationale de sociologie et conduite par Edgar Morin).
Il s’oriente, dès le début des années 1960, vers la sémiologie et la thématique des traditions narratives ou populaires. Le livre qui l’a rendu célèbre, Logique du récit (Collection Poétique, Éditions du Seuil, 1973) vise à établir le dictionnaire des fonctions qu’un processus d’action peut prendre dans le développement d’une intrigue. Suivant la voie ouverte par Propp sur les structures du conte populaire, il propose une grammaire narrative qui met l'accent sur les « possibles narratifs » : à chaque pas, une alternative est offerte au conteur. Un récit est constitué d'une séquence de trois éléments: ouverture d'une virtualité d'action, actualisation de celle-ci et résultat. Il est une succession de rôles en action et en interaction. Les actions sont effectuées par divers « rôles », regroupés en agents et patients.
En 1982, Bremond collabore avec Jacques le Goff et Jean-Claude Schmitt à un ouvrage qui a fait date sur L'exemplum, fruit d’une longue enquête systématique conduite au sein de l’EHESS. Il y analyse la structure de l’exemplum chez Jacques de Vitry. 
Le grand chantier des années 1980, personnel et collectif, et généreusement ouvert aux jeunes chercheurs, est celui, renouvelé des travaux des formalistes russes, de la thématique et des rapports entre thématique et poétique. Les thèmes sont-ils des concepts, des agrégats de concepts ou bien des jugements ? Quels sont les rapports entre thème et motif ? Quelles contraintes, quelles lois d’attraction régissent la combinaison des thèmes? Les travaux sont réunis dans Poétique et Communications. En 1989, Bremond publie avec Jacques Berlioz et Catherine Velay-Vallantin, Formes médiévales du conte merveilleux. En 1991, en collaboration avec André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh, il fait paraître Mille et un contes de la nuit (Gallimard, Bibliothèque des Idées). Il s'attache à certains des thèmes primordiaux des Nuits, à l’étude de leur recueil, de leur création et de leur transformation et il s’essaie à situer ce matériau dans la littérature universelle, entre l'Inde et l'épopée germanique.
En 1990, Brémond avait répondu avec vigueur à la critique de logicisation et de déchronologisation du récit que Paul Ricœur lui avait adressée dans Temps et récit (cf. Temps et récit de Paul Ricœur en débat, CERF, sous la direction de Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz). Au tournant de l’an 2000, avec Thomas Pavel, il reviendra sur le structuralisme littéraire des années 60 et 70 dans De Barthes à BalzacFictions d'une critique, critiques d'une fiction (Albin Michel, Paris, 1999) qui fait porter l’analyse sur S/Z, le dernier grand ouvrage doctrinal de Barthes, mélange, selon les deux auteurs, de rigueur structuraliste et formaliste extrême - marquant aussi la déroute des ambitions épistémologiques - en même temps qu’admirable enquête sur l'étrange Sarrasine de Balzac. 
Récemment, Claude Bremond avait édité le Journal de Gabrielle Bernheim-Rosenthal  (Editions Universitaires de Dijon, 2014) et  Cinquante lettres familiales de Léon Rosenthal entre novembre 1927 et août 1932 (2014, en ligne). 

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